Bahir Dar ressemble à s'y méprendre à une ville côtière. Étrange, pour un pays totalement dépourvu d'ouverture maritime. Les rives du lac Tana ne valent peut être pas les meilleures plages méditerranéennes, mais le paysage est loin d'être déplaisant. Les pélicans se laissent planer de leurs ailes interminables, au gré du vent léger, qui nous caresse les joues. Quelques nuages pointent à l'horizon, mais le ciel n'a pour l'heure rien de menaçant. La journée est douce. Tout du moins, elle s'en donne l'apparence.
Après un déjeuner sur l'herbe à siroter des cocas et se salir les doigts avec des injeeras au shiro wat, nous réservons un bateau pour visiter plusieurs des îles du lac. Celles-ci abritent des monastères, où vivent de petites communautés chrétiennes orthodoxes, retirées de la civilisation... ou presque. De nombreux touristes se rendent en effet dans ces lieux. Malgré tout, les prêtres et les moines n'ont pas l'air particulièrement intéressés par la présence de farenjis. Plus stoïques que les gardes de la couronne britannique, ils semblent tenir la même position depuis des heures ou plus. Je cherche une blague en amharique pour détendre l'atmosphère, mais le vocabulaire me manque. Nous en resterons donc au hochement de tête de circonstance.
Entre nos différentes destinations, nous nous initions à LA coutume nationale : la mastication du khat. Depuis le début du voyage, nous avons croisé un peu partout - dans les rues, dans les bus, dans les marchés, dans les échoppes - des centaines d'Éthiopiens mâchant assidûment leur plante fétiche aux vertus hallucinantes (paraît-il). Le khat est illégal en France. Raison de plus pour tenter le coup ici. Nous achetons quelques centaines de grammes du sésame, espérant découvrir des sensations nouvelles et atteindre le stade suprême, le mirkhana. Verdict, après de longues minutes de « broutage », comme on dit à Djibouti, pays voisin et grand importateur de khat : un goût insipide, voire carrément dégueulasse, et un effet proche de zéro. Nous reviendrons d'Éthiopie avec d'autres souvenirs, plus mémorables que celui-ci.