c'est-y parce que je suis sur un banc et que j'suis pas bien gras ? …
Ma parole, l'autre qui passe avec sa rombière
y m'frime drôlement... On croirait qu'ça le dégoûte ma misère.
Pourquoi j'lui demande rien à c'gros civilisé
qui quand il va aux chiottes, donne deux thunes pour pisser.
C'est-y qui renaude parc'que j'suis un clodo
ou qu'y m'jalouse parc'que j'paie pas d'impôts ?
Moi j'suis pas jaloux d'lui,
ni de sa graisse, ni d'son lit,
ni d'sa baignoire, ni d'son pyjama.
Mézigue j'ai l'robinet et pour oreiller mes deux bras.
Y voudrait-y changer son costar en pure laine
contre mes vieux harnais que j'lave sur l'quai d'la Seine,
ses lattes en croco
contre mes vieux croquenots,
qu'j'y dirais NON, joue pas au généreux,
tu l'regretterais d'ici une heure ou deux.
J'y dirai aussi garde ton pognon, l'droit d'voter,
continue à traverser dans les passages cloutés,
prends soin de la clef de ton coffre, et d'ton Frigidaire,
continue à baiser tes bonnes pour les rendre filles mères,
tout ça m'regarde pas...
T'es un Monsieur. T'y as droit.
Y a qu'une chose vois-tu contre quoi j'm'battrais :
contre vos lois, si un jour fallait payer pour cueillir du muguet.
Auguste Le Breton, Juin 1953